Monday, December 13, 2010

Télécommunications : réseau obsolète, potentiel inexploité

Pionnier dans les années 90, le Liban est aujourd’hui à la traîne dans le domaine de la téléphonie mobile. Cette situation est d’autant plus regrettable que le secteur est un outil essentiel de la croissance économique.

Une récente étude de la Banque mondiale portant sur 120 pays met en évidence que chaque hausse de 10 points de pourcentage de la pénétration de la téléphonie mobile s’accompagne généralement d’une croissance économique de 0,8 points de pourcentage dans les pays en développement – un taux relativement plus important que celui des pays développés.
Bien que le taux de pénétration de la téléphonie mobile ait doublé au Liban depuis 2008 pour atteindre environ 60% au cours de l’été 2010, il demeure de loin inférieur à celui observé dans d’autres pays de la région comme l’Arabie saoudite (177%). L’indice de connectivité du Liban (155%) est également faible comparé à celui des Emirats arabes unis (352%), du Qatar (254%) ou de l’Algérie (161%). Malgré cette récente croissance attribuée à une réduction significative des tarifs de téléphonie mobile, le marché des télécoms libanais est l’un des plus chers au monde.
Interviewé en juin par Reuters, le président d’Orascom Telecom, Naguib Sawiris, faisait remarquer que le Liban était le seul pays où la pénétration n’est pas de 100%. Un phénomène incroyable, jugeait-il, dans une nation comme le pays du Cèdre, surtout lorsque l’on constate des ratios de 120% dans certains pays du sous-continent africain. «Nous œuvrons cependant avec le ministère des Télécoms pour offrir de nouveaux forfaits à des prix plus abordables tout en améliorant la qualité du service de téléphonie. Nous envisageons également de réduire ou de supprimer les taxes sur les communications», commente Imad Hoballah, directeur de l’ART, l’organe responsable de la régulation du secteur des télécoms au Liban. Le ministre des Télécoms Charbel Nahas, joint par Magazine par le biais de son chargé de relations publiques, a décliné tout commentaire.

Pas de rénovation en 16 ans
«Les services de téléphonie mobile ont été introduits au Liban en 1994, bien avant leur apparition dans d’autres pays de la région. Aujourd’hui, le secteur, vieux de 16 ans, n’a pas connu de renouvellement au sens propre du terme – bien que certains travaux aient été entrepris l’année passée – alors que dans d’autres pays, il fait l’objet d’une rénovation en moyenne tous les quatre à cinq ans», souligne un expert sous couvert d’anonymat.
Ces accusations sont réfutées par Hoballah: près d’un demi-milliard de dollars auraient été investis dans le secteur des télécoms ces dernières années. «En 2009, de grands travaux ont été également entrepris, visant à remplacer les systèmes obsolètes par de nouvelles technologies», ajoute le directeur de ART.
Le problème essentiel auquel est confronté le secteur reste toutefois lié à l’absence d’une politique claire de l’Etat, une situation devenue aujourd’hui endémique, explique un expert sous couvert d’anonymat. «De nombreux acteurs attirés par l’opportunité que présentait une éventuelle privatisation du secteur se sont positionnés sur le marché libanais. Ce processus n’est malheureusement pas arrivé à terme», déplore-t-il.
La plupart des spécialistes du cru estiment que le problème dont souffre le marché libanais des télécommunications découle principalement du manque de consensus politique sur la meilleure manière de gérer, moderniser et privatiser les deux sociétés de téléphonie mobile appartenant à l’Etat. Le secteur des communications mobiles est actuellement dominé par deux opérateurs, MTC Touch et alfa, respectivement gérés par les groupes Zain et Orascom Telecom. Ces deux opérateurs sont chargés de la gestion du service par le ministère des Télécommunications, par le biais de contrats renouvelés de manière semi-annuelle.
«La nature précaire de ces contrats est un facteur limitant certainement la marge des opérateurs», insiste un cadre appartenant à l’une des deux compagnies. Les opérateurs de téléphonie mobile sont donc de plus en plus réticents à investir des sommes importantes dans des réseaux dont ils risquent de perdre la gestion. Environ 8% à 9% des revenus des entreprises de téléphonie mobile seraient réinvestis dans des projets d’infrastructure au Liban, contre une moyenne d’environ 20% dans d’autres pays de la région. Selon certains témoignages d’experts, les opérateurs seraient soumis à des règlements longs et compliqués. Ainsi toute modification ou amélioration du secteur par les opérateurs est ralentie par le processus lourd imposé par l’administration libanaise.
«L’ambiance de discorde politique qui règne en permanence empêche de parvenir à une solution qui serait dans l’intérêt du pays mais aussi de celui du consommateur», explique le cadre. Le nombre des opérateurs étant limité, ce duopole résulte également en un marché peu concurrentiel. «Le prix des communications est également fixe, contrairement aux autres marchés régionaux», ajoute ce même cadre.
Selon certains opérateurs, le système de rémunération des entreprises de télécoms serait désuet et n’encouragerait pas les gros investissements, les entreprises étant payées un faible pourcentage sur les revenus doublé d’une somme fixe. «Afin de grossir leur marge de profit, les opérateurs tentent de réduire leurs coûts d’exploitation», met en exergue l’expert.
Une réalité qui se répercute sur la croissance économique nationale. Un engagement clair du gouvernement visant à la libéralisation du secteur des télécommunications à la concurrence permettrait d’attirer de nombreuses entreprises internationales ainsi que des investissements étrangers, explique-t-on. En effet, l’étude de la Banque mondiale a démontré que toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) tendent à stimuler davantage la croissance dans les pays en développement que dans les pays développés. Par une gestion plus efficace, les TIC permettent l’amélioration du fonctionnement des marchés, la réduction des coûts de transaction et l’augmentation de la productivité.
Il n’y a pas de solution pour ce secteur, sans privatisation, avait conseillé en juin, Sawiris. Hoballah, lui, estime que les entreprises de gestion se doivent de proposer de nouvelles stratégies d’expansion et apprendre à collaborer avec le ministère des Télécoms pour améliorer l’industrie.
«De nombreux secteurs sont aujourd’hui fortement tributaires de l’infrastructure de télécommunications. Et la configuration actuelle des télécoms ne fait que desservir l’intérêt de la nation», conclut le cadre. Mona Alami

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