Monday, December 13, 2010

Télécommunications : réseau obsolète, potentiel inexploité

Pionnier dans les années 90, le Liban est aujourd’hui à la traîne dans le domaine de la téléphonie mobile. Cette situation est d’autant plus regrettable que le secteur est un outil essentiel de la croissance économique.

Une récente étude de la Banque mondiale portant sur 120 pays met en évidence que chaque hausse de 10 points de pourcentage de la pénétration de la téléphonie mobile s’accompagne généralement d’une croissance économique de 0,8 points de pourcentage dans les pays en développement – un taux relativement plus important que celui des pays développés.
Bien que le taux de pénétration de la téléphonie mobile ait doublé au Liban depuis 2008 pour atteindre environ 60% au cours de l’été 2010, il demeure de loin inférieur à celui observé dans d’autres pays de la région comme l’Arabie saoudite (177%). L’indice de connectivité du Liban (155%) est également faible comparé à celui des Emirats arabes unis (352%), du Qatar (254%) ou de l’Algérie (161%). Malgré cette récente croissance attribuée à une réduction significative des tarifs de téléphonie mobile, le marché des télécoms libanais est l’un des plus chers au monde.
Interviewé en juin par Reuters, le président d’Orascom Telecom, Naguib Sawiris, faisait remarquer que le Liban était le seul pays où la pénétration n’est pas de 100%. Un phénomène incroyable, jugeait-il, dans une nation comme le pays du Cèdre, surtout lorsque l’on constate des ratios de 120% dans certains pays du sous-continent africain. «Nous œuvrons cependant avec le ministère des Télécoms pour offrir de nouveaux forfaits à des prix plus abordables tout en améliorant la qualité du service de téléphonie. Nous envisageons également de réduire ou de supprimer les taxes sur les communications», commente Imad Hoballah, directeur de l’ART, l’organe responsable de la régulation du secteur des télécoms au Liban. Le ministre des Télécoms Charbel Nahas, joint par Magazine par le biais de son chargé de relations publiques, a décliné tout commentaire.

Pas de rénovation en 16 ans
«Les services de téléphonie mobile ont été introduits au Liban en 1994, bien avant leur apparition dans d’autres pays de la région. Aujourd’hui, le secteur, vieux de 16 ans, n’a pas connu de renouvellement au sens propre du terme – bien que certains travaux aient été entrepris l’année passée – alors que dans d’autres pays, il fait l’objet d’une rénovation en moyenne tous les quatre à cinq ans», souligne un expert sous couvert d’anonymat.
Ces accusations sont réfutées par Hoballah: près d’un demi-milliard de dollars auraient été investis dans le secteur des télécoms ces dernières années. «En 2009, de grands travaux ont été également entrepris, visant à remplacer les systèmes obsolètes par de nouvelles technologies», ajoute le directeur de ART.
Le problème essentiel auquel est confronté le secteur reste toutefois lié à l’absence d’une politique claire de l’Etat, une situation devenue aujourd’hui endémique, explique un expert sous couvert d’anonymat. «De nombreux acteurs attirés par l’opportunité que présentait une éventuelle privatisation du secteur se sont positionnés sur le marché libanais. Ce processus n’est malheureusement pas arrivé à terme», déplore-t-il.
La plupart des spécialistes du cru estiment que le problème dont souffre le marché libanais des télécommunications découle principalement du manque de consensus politique sur la meilleure manière de gérer, moderniser et privatiser les deux sociétés de téléphonie mobile appartenant à l’Etat. Le secteur des communications mobiles est actuellement dominé par deux opérateurs, MTC Touch et alfa, respectivement gérés par les groupes Zain et Orascom Telecom. Ces deux opérateurs sont chargés de la gestion du service par le ministère des Télécommunications, par le biais de contrats renouvelés de manière semi-annuelle.
«La nature précaire de ces contrats est un facteur limitant certainement la marge des opérateurs», insiste un cadre appartenant à l’une des deux compagnies. Les opérateurs de téléphonie mobile sont donc de plus en plus réticents à investir des sommes importantes dans des réseaux dont ils risquent de perdre la gestion. Environ 8% à 9% des revenus des entreprises de téléphonie mobile seraient réinvestis dans des projets d’infrastructure au Liban, contre une moyenne d’environ 20% dans d’autres pays de la région. Selon certains témoignages d’experts, les opérateurs seraient soumis à des règlements longs et compliqués. Ainsi toute modification ou amélioration du secteur par les opérateurs est ralentie par le processus lourd imposé par l’administration libanaise.
«L’ambiance de discorde politique qui règne en permanence empêche de parvenir à une solution qui serait dans l’intérêt du pays mais aussi de celui du consommateur», explique le cadre. Le nombre des opérateurs étant limité, ce duopole résulte également en un marché peu concurrentiel. «Le prix des communications est également fixe, contrairement aux autres marchés régionaux», ajoute ce même cadre.
Selon certains opérateurs, le système de rémunération des entreprises de télécoms serait désuet et n’encouragerait pas les gros investissements, les entreprises étant payées un faible pourcentage sur les revenus doublé d’une somme fixe. «Afin de grossir leur marge de profit, les opérateurs tentent de réduire leurs coûts d’exploitation», met en exergue l’expert.
Une réalité qui se répercute sur la croissance économique nationale. Un engagement clair du gouvernement visant à la libéralisation du secteur des télécommunications à la concurrence permettrait d’attirer de nombreuses entreprises internationales ainsi que des investissements étrangers, explique-t-on. En effet, l’étude de la Banque mondiale a démontré que toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) tendent à stimuler davantage la croissance dans les pays en développement que dans les pays développés. Par une gestion plus efficace, les TIC permettent l’amélioration du fonctionnement des marchés, la réduction des coûts de transaction et l’augmentation de la productivité.
Il n’y a pas de solution pour ce secteur, sans privatisation, avait conseillé en juin, Sawiris. Hoballah, lui, estime que les entreprises de gestion se doivent de proposer de nouvelles stratégies d’expansion et apprendre à collaborer avec le ministère des Télécoms pour améliorer l’industrie.
«De nombreux secteurs sont aujourd’hui fortement tributaires de l’infrastructure de télécommunications. Et la configuration actuelle des télécoms ne fait que desservir l’intérêt de la nation», conclut le cadre. Mona Alami

Sécheresse et sécurité alimentaire : baisse de la production agricole de 25%

En 2008, un rapport de FAO prévenant que l’agriculture au Proche-Orient allait «pâtir de la hausse des températures» avait tiré la sonnette d’alarme. En cette fin d’année 2010, ces pronostics apocalyptiques semblent déjà se confirmer au Liban. Sécheresses, inondations et dégradation des sols menaceraient la sécurité alimentaire de nombreux pays au Moyen-Orient dont le pays du Cèdre.


«Le baromètre a enregistré cet été des pics de 47 degrés dans la plaine de la Békaa. C’est du jamais vu», déclare Imad Bsat, ingénieur agronome et propriétaire de B-Fresh Produce. Selon l’agriculteur, l’augmentation de la température aurait dépassé de loin les prédictions d’un réchauffement climatique de 3 degrés Celsius prévu sur 100 ans, puisque cette année déjà, il aurait dépassé de sept degrés les normales habituelles.
L’écologiste Waël Hmaydan, directeur de l’ONG IndyAct, observe une croissance de la fréquence des jours très secs et des vagues de chaleur. Les fluctuations des températures et de la proportion des précipitations ne font qu’aggraver la situation. «De plus et cela contrairement aux années précédentes, des incendies ont ravagé le Liban en plein mois de février, ce qui est un phénomène sans précédent et très préoccupant», ajoute Hmaydan.
Les témoignages des experts concordent tous: en raison des fortes chaleurs, un recul du rendement agricole dans les diverses régions libanaises est évident, il en résulterait une baisse de la production de 20 à 25 pour cent. «Les arbres se sont desséchés, et les fruits ont très souvent pourri sur les branches. La tendance pourrait avoir été exacerbée sur les côtes libanaises qui ont subi des vagues de chaleur intenses. De plus sur le littoral, de nombreux arbres fruitiers ont entamé un deuxième cycle de floraison ces deux derniers mois, en raison de la douceur du climat. Ce qui pourrait faire encore perdre aux agriculteurs autour de 5% de leur prochain rendement», dixit Bsat.

Désertification du paysage
Abou Tarek travaille la terre depuis plus de 50 ans dans la région de la Békaa. Ce robuste sexagénaire se dit préoccupé par le changement climatique, doublé d’une désertification du paysage libanais. «Il se manifeste par des écarts de températures de plus en plus importants, avec des chaleurs intenses observées durant la journée et des pics de froid au-dessous de zéro durant la nuit», se plaint-il. Pour Bsat, cette situation est d’autant plus alarmante que les journées humides et nuageuses se font de plus en plus rares. «Les baisses de températures sont également vitales pour le processus de bourgeonnement, un certain nombre d’heures dites fraîches lui étant nécessaires», ajoute-t-il.
Les conditions météorologiques extrêmes vont aussi entraîner des modifications au niveau des écosystèmes ainsi que l’apparition de nouvelles maladies et de races d’insectes exotiques. «Certains ravageurs récemment introduits au Liban détruisent les plantes et affectent notre rendement», souligne Abou Tarek. En effet cette année, des insectes qui se cantonnaient par le passé uniquement à certains arbres fruitiers comme les pêchers et les abricotiers s’attaquent maintenant à d’autres comme les pommiers. «Ce comportement est totalement inhabituel, je n’ai jamais vu cela durant mes 20 ans de carrière», confirme Bsat.

Pénurie d’eau
L’agriculteur se dit toutefois préoccupé non pas seulement par le changement climatique mais aussi par la pénurie en eau. Une opinion partagée par Abou Tarek qui constate que dans la partie orientale de la vallée de la Békaa, il est de plus en plus nécessaire d’irriguer certaines jeunes pousses, un procédé relativement neuf dans la région. «L’évolution des conditions météorologiques peut, à long terme, être gérée par une substitution de certaines cultures à d’autres plus appropriées, mais le manque d’eau est par contre plus grave», insiste Bsat.
Avec des périodes de sécheresse qui sont de plus en plus fréquentes, la pénurie en eau contraint les agriculteurs à la rationner pendant les périodes de grosse chaleur. Selon Bsat, l’irrigation des cultures qui se pratiquait traditionnellement jusqu’au mois de septembre a dû se poursuivre cette année durant la canicule de novembre.
«Une utilisation plus efficace des ressources comme l’eau (voir notre article page 37) et l’énergie, une agriculture durable, une meilleure gestion forestière et la plantation d’arbres sont des mesures fondamentales pour atténuer les effets du changement climatique», a conseillé Hmaydan. Ses recommandations semblent de plus en plus pressantes. «Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont tout particulièrement exposés aux pénuries d’eau. Une hausse de température de 3° C pourrait entraîner un stress hydrique pour 155 à 600 millions de personnes de plus en Afrique du Nord», estime la FAO.
«Une conservation des eaux plus adéquate est donc devenue impérative», conclut Hmaydan. Ces paroles semblent trouver un écho partout dans la région. En marge de la conférence organisée en février dernier en Jordanie sur «la sécurité alimentaire et le changement climatique dans les régions arides», Theib Y. Oweis, directeur du programme sur la gestion de l’eau et de la terre au Centre international pour la recherche agricole dans les régions arides, avait affirmé que l’eau avait aujourd’hui plus de valeur que le pétrole. Mona Alami pour Magazine

Internet : une économie parallèle sous haute protection

Un secteur qui semblerait atteint de schizophrénie permanente. C’est sans doute la description la plus exacte que l’on pourrait faire du marché Internet au Liban, partagé entre fournisseurs légaux et illégaux. Objet de multiples scandales, liés à une corruption endémique, il pourrait également figurer dans un roman d’espionnage.


Une véritable économie parallèle caractérise le secteur Internet libanais, où les fournisseurs d’accès Internet (FAI) légaux ne représentent que la partie visible de l’iceberg. En effet, selon des spécialistes du cru, près de 50% des fournisseurs d’Internet au pays du Cèdre opéreraient tranquillement en toute illégalité.
Deux types de fournisseurs existent au Liban. Les FAI (fournisseurs d’accès Internet–ISP en anglais) constituent la passerelle indispensable pour permettre aux utilisateurs de naviguer sur Internet. Les fournisseurs d’accès de données (DSP) disposent de l’infrastructure spécialisée, nécessaire aux ISP pour relier les ordinateurs personnels et les réseaux Internes des entreprises, au réseau mondial. Ce service, qui est payant, transite par le ministère des Télécoms qui le fait facturer au prix fort, près de 3000 dollars pour chaque ligne E1(2Mbps). «Les DSP doivent également verser 20% de leurs revenus au ministère des Télécoms et seule l’Autorité régulatrice des télécoms (ART) peut leur accorder une autorisation de fréquence nécessaire pour installer et opérer un réseau radio de transmission de données servant les FAI ainsi que les banques et les grandes entreprises», assure un spécialiste du secteur.
Ces opérateurs légaux doivent cependant faire face à une âpre concurrence de la part d’une multitude d’opérateurs illégaux. «Ces derniers opèrent en amont ainsi qu’en aval», assure un autre spécialiste. En effet, des individus ou des compagnies se connectent à des lignes Internet de Turquie, de Chypre ou comme ce fût le cas pour l’antenne du Barouk, d’Israël, pays ennemi du Liban. Ce transit est généralement assuré par des liens Vsat ou radio, qui relient le Liban à ces divers pays.

Dans les camps palestiniens
D’autres fournisseurs Internet illégaux existeraient sur le marché local. Ainsi selon le propriétaire d’un FAI libanais, des Vsat auraient été installés dans certains camps palestiniens, à la périphérie de Beyrouth et Tripoli. Les enclaves palestiniennes échappant historiquement au contrôle de l’Etat, elles seraient donc impossibles à démanteler. «Dans ce cas particulier, les FAI ayant recours à ce type de connexion évitent de faire transiter des informations sensibles en raison du risque évident que cela pourrait poser. Elles y font donc appel pour ce qui est des activités de navigation du net», ajoute un informaticien.
Ces gros opérateurs dominant le marché en amont offrent leurs services aux distributeurs illégaux des diverses régions, qui les revendent à leur tour à des préposés ou des compagnies fournissant généralement ce service en jumelage avec celui de la télévision satellite.
Ce scénario se répète au plus bas de l’échelle du système, les petits fournisseurs obtenant également la protection des politiques, à qui ils verseraient une redevance, généralement par le biais des partis régnant dans leurs quartiers.
Ces entreprises illégales sont ainsi bien plus compétitives que les opérateurs légaux, puisqu’elles achètent leur Internet moins cher, ne versent ni une partie de leurs revenus ni la TVA à l’Etat. Les liens Vsat piratés coûtent 1000 dollars de moins que le E1 obtenu à travers l’Etat, alors que les liens radios avec la Turquie sont en général estimés à 600 dollars par mois par E1. Les équipements utilisés par ces compagnies sont également passés en contrebande par terre ou par mer, ce qui les exempte de taxes de douane.
«Quelque part, l’Etat a levé la barre tellement haut en fixant les E1 à des prix exorbitants qu’il encourage indirectement l’essor d’un marché parallèle», signale un troisième spécialiste du secteur. Tous les grands acteurs du marché Internet sont coupables du même crime, accuse un des spécialistes interviewés par Magazine. En effet, même certains FAI légaux qui opèrent de manière mensuelle se fournissent souvent auprès des opérateurs illégaux, à qui ils achètent leur surplus.

Complicités politiques
Mais comment ces FAI illégaux peuvent-ils opérer en toute impunité? Sans exception aucune, tous les spécialistes interviewés par Magazine pointent un doigt accusateur vers les politiques libanais. Un certain nombre d’entre eux également actionnaire de FAI légaux considère le marché illégal comme une source de revenus importants. Dans la plupart des cas, s’accordent à dire les spécialistes, ils s’associent aux opérateurs illégaux en leur conférant l’immunité. «Personne ne peut s’aventurer dans ce marché sans obtenir la protection d’une faction politique ou d’une autre», murmure-t-on. Ainsi, la FAI impliquée dans la fameuse antenne du Barouk, qui obtenait de l’Internet bon marché d’Israël, aurait reçu la protection de nombreux hommes forts de l’époque entre la période allant de 2006 à 2009. «Cela ne veut toutefois pas dire que ces politiques aient nécessairement eu vent de la provenance de cet Internet illégal», tempère le directeur d’une FAI. L’information n’aurait certainement circulé qu’après une certaine période de temps, des plages IP provenant de Tel-Aviv ayant paru chez certains FAI. Dans le cas de l’antenne du Barouk, une entreprise légale n’ayant jamais activé la licence fournie par la ART, aurait fourni de l’Internet à la présidence de la République. «Les administrations gouvernementales impliquées dans ce scandale n’ont pas contrôlé les licences de leurs fournisseurs», remarque-t-on.
Un laisser-aller qui en dit long sur l’approche de l’Etat: «Il suffirait tout simplement de vérifier les revenus et le débit Internet des entreprises en les comparant à la capacité des E1 qui leur ont été octroyés par le ministère des Télécoms pour déceler toute opération de malversation», signale-t-on. Mona Alami pour Magazine

Pétrole et gaz au large du Liban : le dossier explosif

Dans la course à l’or noir, le Liban se trouve à la traîne. La découverte d’importants gisements de gaz au large d’Israël ne semble pas presser outre-mesure le Liban dont la classe politique est une fois de plus divisée sur la manière de traiter cette éventuelle manne venue de la mer. Une richesse qui est également convoitée par l’Etat hébreu.

«L’existence de nappes gazières et de pétrole au large du littoral libanais a été mise en évidence par les travaux du professeur Thomas Guédiquet de l’Université américaine de Beyrouth dès 1969! Près de quarante ans plus tard, rien n’a été fait sur ce plan là, c’est l’inertie totale», s’indigne le géologue Gilbert el-Kareh, chercheur et ancien professeur à l’Université Saint-Joseph et à l’Université libanaise.
Le débat a été lancé la semaine passée par le président du Parlement Nabih Berry qui a insisté pour que Liban exploite son potentiel en gaz. Le chef du Législatif réagissait à l’annonce de la découverte par la société Nobel Energy d’une seconde nappe de gaz, qualifiée comme la plus importante par l’Etat hébreu. Israël dispose aujourd’hui des gisements de Tamar et de Léviathan, possédant ensemble un potentiel de 900 milliards de mètres cubes. Nabih Berry avait déclaré que «le Liban devait immédiatement prendre des mesures pour défendre ses droits non seulement financiers, mais également économiques, politiques et souverains.

Résultats prometteurs
Dès 2001, sous le mandat du Premier ministre assassiné Rafic Hariri, le précédent gouvernement avait ordonné un balayage sismique des fonds marins libanais. «Les résultats étaient déjà prometteurs», explique le Dr Mazen Hanna, le conseiller du Premier ministre Saad Hariri. Deux compagnies étrangères Spectrum et Petroleum Geo-Services (PGS) avaient alors procédé à ces prélèvements, respectivement en 2002 et 2006. Ces études sismiques géologiques ont révélé la présence possible de gaz et de pétrole. Cette étude n’a toutefois qu’une valeur indicative car seul le forage offshore pourrait confirmer ou infirmer la présence de pétrole ou de gaz naturel dans les fonds marins. «Les résultats (en 2D) combinés avec ceux en 3D précédemment acquis par PGS, ont identifié de nombreux indicateurs associés à la présence d’hydrocarbures. Ceux-ci confirment l’extension d’un système pétrolier actif au large des côtes du Liban», signale le site de PGS.
Un rapport de l’USGS (US Geological Survey) soumis par Magazine au professeur Kareh, estime le potentiel au large des eaux libanaises, plus précisément dans le secteur du Levant Basin Province, à près de 608 millions de barils de pétrole, de 44560 de pieds cubiques de gaz et 1107 millions de barils de gaz naturel liquide. «Il faut toutefois souligner que cette approximation est très grossière. Ces estimations doivent être interprétées avec la plus grande précaution», précise le professeur.
«Depuis 2007, nous œuvrons pour l’établissement et l’élaboration d’une politique ainsi que d’un cadre légal pour l’exploitation des hydrocarbures», explique Wissam Zahabi, conseiller du gouvernement au secteur de l’énergie. «Nous avons élaboré un projet de loi qui a déjà été discuté en deux comités, il devrait être voté cette année», déclare Zahabi. Le comité en charge du dossier est composé des ministres de l’Energie, des Finances, de la Justice, de l’Economie, de la Santé, de l’Environnement, des Affaires étrangères et des Réformes, sous la direction du Premier ministre. Le projet de loi institue un cadre légal pour l’exploration et la prospection des hydrocarbures au Liban ainsi que le partage des revenus potentiels qui en sont issus. Ce cadre légal servirait également de base pour l’accord sur l’exploration et la production des hydrocarbures, Exploration Production Agreement (EPA).

Administration spéciale
«Nous allons également créer une administration spéciale chargée de gérer cette activité et composée uniquement de technocrates et de spécialistes. Le projet de loi régule le processus d’attribution des licences, devant être accordées à des consortiums comportant un minimum de trois compagnies, ce qui permet au final d’étaler les risques», signale Zahabi. La création d’un fond souverain permettant de placer et de gérer les revenus pétroliers du type de celui adopté par la Norvège est également prévue par ce projet de loi, insiste Hanna.
Trois compagnies pétrolières seraient intéressées par le potentiel gazeux libanais, notamment Shell et Total, commente une source qui a préféré garder l’anonymat.
Deux problèmes se posent toutefois. «Le premier est que le Liban, dû à l’absence d’une infrastructure pétrolière, se trouve particulièrement désavantagé par rapport à d’autres pays. Il doit tout construire, ce qui va entraîner des coûts énormes», met en exergue Saad Merhej, expert et directeur générale de BB Energy, une compagnie de pétrole locale. Ce dernier explique également que les compagnies ne seront donc pas prêtes à investir massivement dans le secteur de l’énergie sans s’assurer au préalable de l’importance des réserves. «Le forage aura certainement lieu à des profondeurs dépassant les 1500 mètres, les investissements seront donc sans doute de l’ordre de plusieurs milliards de dollars. Des telles sommes seraient difficilement garanties à moins d’une contrepartie financière considérable», dixit Merhej.
Un autre problème majeur réside dans la délimitation des eaux territoriales libanaises et surtout de la Zone économique exclusive (ZEE), située au-delà de la mer territoriale et sur laquelle l’Etat côtier possède des droits souverains, d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol.
«Alors que les eaux territoriales s’étendent sur 12 milles marins, la ZEE couvre une distance de 200 milles marins, soit 370 kilomètres au large de la côte libanaise», souligne le professeur Kareh. «Mais au demeurant, cette zone doit être d’abord définie, cette délimitation devant être par la suite soumise pour approbation aux instances internationales. Dans le cas où Israël repèrerait sa ZEE avant le Liban, ce dernier dispose d’une période déterminée, après laquelle il perdrait tout droit sur les fonds contestés», s’insurge le professeur Kareh.
Une commission composée de l’armée, du ministère des Affaires étrangères, du Conseil national des recherches scientifiques et de la Direction du transport maritime a été chargée de délimiter les frontières maritimes avant d’en informer les Nations unies. «Pour ce qui est de la ZEE, nous sommes déjà en accord avec Chypre. Nous devons nous réunir prochainement avec la Syrie. Pour Israël, cela se fera de manière unilatérale, lorsque le rapport sera soumis aux Nations unies, sans aucun doute d’ici la fin de l’année», dit Zahabi, se voulant rassurant.
Le danger réside donc dans la possibilité que les énormes réserves de gaz offshore revendiquées par Israël s’étendent dans la ZEE du Liban. «La soumission de notre ZEE aux instances internationales est indispensable en cas de contentieux. Il est primordial d’établir la souveraineté du Liban sur les fonds marins pour attirer les compagnies pétrolières et favoriser leur exploration. Le cadre légal doit être défini et la stabilité politique assurée. Le Liban doit donc absolument se presser et surtout adopter une politique unifiée qui aurait l’aval de toutes les factions», conclut le professeur Kareh.
La mésentente affichée cette semaine au Parlement entre deux projets de lois rivaux régissant le secteur des hydrocarbures, l’un émis par les députés, l’autre par le gouvernement, laisse planer le doute quant à la prise de conscience de la classe politique en ce qui concerne ses responsabilités. Mona Alami pour Magazine

Thursday, May 27, 2010

Le PSP ouvre son fief à la Résistance: le Hezbollah au mont Niha


La nouvelle alliance sacrée entre le Parti socialiste progressiste (PSP) et le Hezbollah aurait accordé à ce dernier l’accès aux hauteurs du Chouf. Magazine enquête.

Des montagnes pelées entourent le village de Niha, dans le Chouf, un des hauts lieux saints de la religion druze. C’est en ce lieu isolé que les membres de cette petite communauté viennent en pèlerinage, pour se recueillir sur la tombe de Nabi Ayoub, communément connu sous le nom de saint Job. Seuls quelques oiseaux prédateurs traversent le ciel nuageux, survolant les pentes désolées des montagnes, qui se revêtent selon le moment du jour d’une robe d’un vert changeant presque blanchâtre. Partout règne le silence, perturbé de temps en temps par le son des gravats, dévalant les pentes escarpées. Pas d’animaux, ni d’arbres, mais des collines dégarnies à perte de vue. Au détour d’un énième sommet, un bunker apparaît soudain. Creusé à même le roc, il est protégé par un muret en parpaings gris et muni d’une porte métallique.
A quelques kilomètres à vol d’oiseau du sanctuaire de Nabi Ayoub, un combattant du Hezbollah monte la garde, perché au sommet d’un pic rocheux. Dès qu’il s’aperçoit de notre présence, il dévale la montagne, avec la souplesse d’un cabri. «Vous êtes en pleine zone militaire», s’exclame-t-il, interloqué, en pointant sa kalachnikoff dans notre direction. «Que faites-vous ici? Il est absolument interdit de pénétrer dans ce secteur!» A quelques mètres du bunker, sur les crêtes des montagnes séparant Niha, de la vallée de la Bekaa, une tranchée a été creusée. Destinée à protéger d’éventuels artilleurs, elle semble vide pour le moment.

Agitant son talkie-walkie, le combattant nous ordonne de quitter les lieux immédiatement. Devant la porte du bunker apparaît un autre combattant d’âge mur. Il nous observe durant quelques minutes. Le plus jeune nous suit à distance, sur une piste de terre parcourant la montagne de nord en sud, avant de nous intercepter, une nouvelle fois. «Vous devez rejoindre la vallée en coupant par le versant de la montagne en direction de la Bekaa, vous ne pouvez pas aller plus loin, la zone devant vous étant une zone militaire», nous enjoint-il. «Je ne fais pas partie de l’Armée libanaise! Je suis membre du Hezbollah», précise-il, un sourire un peu surpris aux lèvres.
De nouveaux avant-postes pour le Hezbollah? En effet, ces sommets abritent depuis des années déjà des positions militaires. A quelques kilomètres de cette zone, plus au nord, dans le village de Maasser, se trouvait le fameux radar de contrôle aérien libanais, qui pouvait détecter les avions ennemis à une distance aussi lointaine que le canal de Suez. Il fut détruit par les Israéliens durant les années de guerre. C’est ici même que se trouvent deux anciens bunkers israéliens protégés par des remblais de sable…
Aux confins du Chouf, au nord de ce nouveau front établi par le Hezbollah et s’étendant du nord du fleuve Litani jusqu’à Jezzine, le Parti de Dieu semblerait se préparer pour une nouvelle guerre… Mona Alami Publié en Mai dans Magazine

Monday, April 26, 2010

Zarqa:Berceau du salafisme jordanien



La ville jordanienne de Zarqa défraie la chronique internationale depuis déjà des années. En effet, c’est dans cette ville que des de nombreux salafistes, prônant un islam plus radical, sont nés. Le plus illustre portait le nom d’Abou Missaab al-Zarqaoui. Aperçu.

Occupant un territoire triangulaire, se prolongeant de la capitale jordanienne Amman jusqu’à la frontière saoudienne, Zarqa, la ville «bleue», est un paysage minéral façonné par des blocs de gravas, semblant se reproduire à l’infini. Dans cette cité de près d’un million d’habitants, les femmes sont entièrement voilées de la tête aux pieds. De temps à autre, des femmes revêtues de la burqa noire (un vêtement atypique dans ce pays qui pratique un islam modéré) les doigts recouverts de longs gants sombres, circulent dans la rue, accompagnées d’hommes en salwar Qamiz. Ce vêtement, un ensemble pantalon-chemise longue, est l’habit préféré des islamistes pakistanais et des salafistes qui se revendiquent d’un islam pur.
«C’est dans les années 80 que le mouvement salafiste du Tabligh wa Daawah, (L’appel à l’islam) apparaît dans les rues de Zarqa», déclare le professeur Mohammed Masri du centre d’études stratégiques à l’Université jordanienne. Ce courant est concomitant à la guerre d’Afghanistan contre l’Union soviétique (1979-1989) qui constitue une page tournante dans l’inconscient collectif islamiste. «Le Salwar Qamiz remplace alors graduellement l’habit bédouin dans cette région», explique le professeur Masri.
L’invasion de l’Irak par les forces américaines en 2003, radicalise la rue arabe. Zarqa n’échappe pas à la poussée des extrémistes qui trouvent un terreau fertile dans cette ville ouvrière à grande concentration palestinienne et fortement marginalisée. Abou Missaab al-Zarqaoui, commandant d’al-qaïda en Mésopotamie et né Ahmad Fadil al-Nazal al-Khalayleh, endosse la responsabilité des attentats simultanés de trois hôtels à Amman en 2005, qui font 54 morts. Zarqaoui tient son nom de la ville bleue dont il est originaire. Mais il n’est pas le seul jordanien accusé de terrorisme, à être natif de cette région. En effet, Humam Khalil Abu-Mulal al-Balaawi, l’auteur de l’attentat suicide du 30 décembre 2009, ayant causé la mort de neuf personnes sur une base américaine en Afghanistan, est lui aussi, originaire de Zarqa. Al-Balaawi, jeune médecin jordanien, devient après l’invasion américaine de l’Irak un fervent supporter d’al-Zarqaoui, avant de se convertir à l’islam Jihadiste. Le médecin de 32 ans est engagé par les services de renseignements jordaniens pour espionner les moudjahidins au Waziristan (zone tribale pakistanaise) et en Afghanistan. Chargé de rencontrer des agents de la CIA en Afghanistan, il décide, après avoir consulté le conseil de la Choura d’al-qaïda, de venger la mort de Zarqaoui dans un attentat suicide, le 30 décembre 2009.

Selon une étude entreprise en 2006, près de 30% des habitants de Zarqa, interrogés après la mort d’Abou Missaab al-Zarqaoui, auraient considéré la mort du terroriste comme «une mauvaise chose». «Près de 5% à 7% de ces personnes ont ajouté partager les valeurs de Zarqaoui. Ce qui veut dire que près de 7% de la population de Zarqa, pourrait en théorie, adhérer au salafisme-jihadiste», souligne une source s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Le Front d’Action Islamique (FAI), Jamaat al-Amal al-Islami, la branche politique des Frères musulmans, perdrait du terrain face aux factions les plus radicales. «Les manifestations de ce parti rassemblaient par les passé des milliers de protestataires, alors qu’aujourd’hui, elle n’en n’attirent que quelques centaines», ajoute le professeur Masri. L’islam des frères musulmans serait-il en perte de vitesse? Mohammad Zayoud, représentant du FAI à Zarqa, se contente de commenter: «Les salafistes de Zarqa ne font pas de politique, ils existent en marge de la société». Inquiétant, lorsque l’on sait que les salafistes radicaux préfèrent généralement ne jamais se mêler à la société civile, accusée «d’apostasie»… Publié dans Magazine le 23 Avril

Monday, April 12, 2010

Le retour en force de Osbat al-Ansar


Des braises incandescentes se consument sous la cendre du camp de Ain el-Helweh, victime dernièrement de bouleversements politiques successifs.

La confrontation le 15 février dernier entre des islamistes appartenant au mouvement radical de Osbat al Ansar - fondé par Hisham Chreidi dans les années 80 et aujourd’hui dirigé par Abou Tarek-ayant causé la mort d’une femme palestinienne, a fait naître de nombreuses interrogations au sein de l’armée Libanaise. « Pour la première fois depuis des années, les corps d’élite de l’armée ont dû être déployés près de deux semaines durant, autour du camp de Ain el Helweh», commente une source militaire s’exprimant sous couvert d’anonymat.

Les commandements des forces d’élite ont donc mis en place un plan d’intervention dans l’éventualité d’une dégradation de la conjoncture sécuritaire, à l’intérieur du camp. « Les obstacles que l’armée serait amenée à surmonter dans le cadre d’une telle opération militaire sont nombreux. Le camp de Ain el Helweh héberge de nombreux combattants et repris de justice, recherchés par la police libanaise, qui se battraient à mort, si un combat se déclarait entre les Palestiniens et l’armée libanaise », souligne la source militaire. Cette dernière estime que le camp de Ain el Helweh dispose de nombreux bunkers et passages souterrains ayant résisté aux diverses invasions et bombardements israéliens, un atout de plus en faveur des Palestiniens. « La topographie du terrain avantage cependant l’armée, le camp de Ain el-Helweh se trouvant dans une plaine surmontée par une colline où se situe le camp de Miyeh Miyeh, position relativement facile à occuper », déclare l’officier.

La situation entre le Fatah et Osbat al-Ansar est telle que la milice dépendant de l’Autorité palestinienne a été contrainte, le mois passé, de se replier autour des positions de l’armée, situées aux alentours du camp, affirme l’officier libanais. « La situation dans le camp est devenue inquiétante, bien qu’elle se soit nettement calmée la semaine passée depuis l’intervention de la classe politique Saidaouite », signale la source militaire. En effet la discorde s’est temporairement apaisée depuis la médiation initiée par le député sunnite du Courant du Futur Bahia Hariri, du mufti de Saida et du Hezbollah chiite.

« La montée en force du Osbat al-Ansar est aujourd’hui une réalité », explique la source militaire. « Lors des derniers combats qui ont eu lieu entre le Fatah et la mouvance islamique, nous avons observé dans cette dernière, un nombre grandissant de combattants tous armés d’un matériel coûteux et perfectionné. Ils semblent également posséder une quantité de munitions importantes, ce qui n’était pas le cas par le passé », dixit la source.

Les militants seraient également mieux formés au combat que les membres du Fatah Palestinien. En effet les combattants du Fatah exercent un autre métier pour la plupart, tel chauffeur de taxi ou maraîchers. Ils sont moins bien entraînés que les islamistes et ne disposent pas d’autant d’équipement militaire. « Les plus féroces militants de Jound el Cham - le mouvement jihadiste salafiste palestinien se revendiquant de Fatah al Islam, un groupe terroriste ayant combattu l’armée libanaise en 2007- ont rejoint les rangs de Osbat al Ansar, depuis le démantèlement de leur cellule », raconte l’officier.

L’écartement, par l’Autorité palestinienne, de Mounir Maqdah, commandant du Kifah Moussalah, considéré comme une pierre angulaire de la sécurité du camp ne présage rien de bon et pourrait sans doute causer une nouvelle vague d’attentats. Et les déchirements que connaît le Fatah peuvent laisser libre court à l’hégémonie grandissante de Osbat al Ansar. Mona Alami, Mars 2010 Publié dans Magazine

Friday, March 19, 2010

Wikileaks, un site anonyme publiant des rapports confidentiels, représente « une menace potentielle » pour l’armée américaine.


Créé et financé par des journalistes, des quotidiens, et des militants de la liberté d'expression, dont Ralph Nader, ancien candidat à la présidence américaine d’origine libanaise, Wikileaks est un site gratuit, accessible à tous. Il permet à « des taupes » de poster des documents hautement confidentiels, souvent liés à des scandales politiques ou financiers, portant donc atteinte à la sécurité des compagnies internationales et des gouvernements. Un document de 33 pages, préparé en 2008 par le service de contre-espionnage de l'armée américaine se penche sur le fonctionnement de ce site, et les risques qu’il peut entraîner pour les Forces américaines sur le plan national et international.

Il est estimé que Wikileaks représente « une menace potentielle » pour l'armée américaine : les documents publiés sur le site révèlent des informations secrètes, pouvant être utilisées par des services de renseignement étrangers et des organisations terroristes. Le site pourrait être également manipulé à des fins de propagande, par des groupes indépendants ou des états. Le rapport se termine sur une recommandation aux militaires de poursuivre les informateurs et de décrédibiliser Wikileaks. De nombreux pays comme la Chine, Israël, la Russie et la Corée du Nord ont choisi de bloquer l’accès à ce site.
http://wikileaks.org/

Wednesday, March 17, 2010

Les Emirats Arabes Unis se sont hissés au rang de quatrième importateur d’armes au monde ?


C’est ce qu’a révélé un rapport publié le Mardi 16 Mars, par l’Institut de recherche pour la Paix de Stockholm. Le Moyen Orient représenterait ainsi près de 17% des transferts d’armes internationaux pour la période de 2005 à 2009. La Chine est en tête des transferts avec 9%, l’Inde avec 7%, la Corée du Sud avec 6%. Les Emirats Arabes Unis occupent donc la quatrième place avec 6% des ventes mondiales.

Tuesday, March 16, 2010

François Bassil, PDG de la Byblos Bank :«Nous sommes prêts à refinancer la dette»

Le Dr François Bassil, président de la Byblos Bank, l’une des plus importantes institutions financières du Liban, a fait part, récemment, des réticences du secteur bancaire à poursuivre le financement de la dette publique, déclaration qui a provoqué bien des remous. Magazine revient sur le sujet alors que l’examen du budget 2010 est à l’ordre du jour.

Q-Les banques libanaises financeraient près de 58% de la dette publique. Quel danger représente pour elles l’augmentation du risque souverain et comment se reflèterait-t-il sur leur notation dans l’éventualité d’une dégradation du contexte politique?

Les banques libanaises sont des entreprises d’intérêt public qui fonctionnent avec des dépôts publics et sont soumises à des règlementations rigides. Elles jouent donc un rôle primordial dans l’économie et nous tenons à ce que ce secteur demeure en excellente santé! Les banques ont un client majeur, l’Etat, qui est, par définition, très solvable et absorbe aujourd’hui près de 55% de leurs moyens financiers; sa santé est donc une priorité. Nous avons aujourd’hui atteint un pourcentage de crédit à l’Etat que nous ne pouvons pas dépasser. Nous sommes, toutefois, prêts à reconduire le financement de cette dette jusqu’à l’amélioration de l’état de santé de notre client. Evidemment! Une dégradation du risque souverain se répercuterait sur la dette…

Q-De nombreux économistes ont critiqué l’augmentation significative du budget 2010, critiques que vous semblez partager, notamment pour ce qui est de l’augmentation des taxes. Quels sont les points faibles de ce projet de budget? L’absence de réformes est-elle l’une des préoccupations majeures du secteur bancaire?

Nous ne disposons toujours pas de chiffres précis relatifs au budget de 2010, mais je crois savoir que l’augmentation des dépenses ordinaires est de l’ordre de 2 000 milliards de livres libanaises. L’Etat libanais doit faire un grand effort pour remédier à son déséquilibre et mettre fin à la dilapidation des revenus publics. Un autre effort doit être entrepris pour réformer les finances du gouvernement, notamment par des mesures d’austérité et la rationalisation des dépenses. Dans le secteur bancaire, nous sommes prêts à financer les projets d’infrastructure d’intérêt public qui pourraient être ainsi attribués au secteur privé. Mais bien sûr il faut avant tout adopter des mesures de réforme et l’établissement d’une administration probe et active, reposant sur des organismes de contrôle efficaces. Pour ce qui est du secteur de l’électricité, le déficit de l’EDL a atteint 2 300 milliards de livres libanaises l’année passée. Les banques sont prêtes à trouver des investisseurs et à lever les deux ou trois milliards de dollars nécessaires à la refonte du secteur, je n’utilise pas le mot privatisation dans ce cas, mais de concession, type BOT (Build, Operate, Transfer) avec des actifs qui reviendraient à l’Etat après une certaine période. Le gouvernement s’obstine cependant à investir directement, en attendant de voir plus tard! Je crois que près de 80% des Libanais sont en mesure de faire face à une augmentation des coûts de l’électricité, d’autant que la plupart d’entre eux ont recours à des distributeurs privés. Mis à part le secteur de l’électricité, des économies doivent être réalisées au niveau des différents ministères. En 2009, les recettes totales ont connu une croissance de 25%, rapidement absorbée par l’augmentation des dépenses. La hausse des impôts est évidemment destinée à éviter une aggravation de la dette mais nous sommes d’avis que les dépenses ne doivent pas être augmentées, mais rationnalisées.

Q-Le Premier ministre Saad Hariri a inscrit dans le budget 2010 de nombreux projets de développement, ce qui contribue en partie à gonfler le déficit, estimé à quatre milliards de dollars. Vous avez fait part des réticences du secteur bancaire à financer ce déficit par l’achat de bons de Trésor. Quels seraient les autres outils économiques à la disposition du gouvernement?

Je suis favorable à des dépenses d’investissements mais, encore une fois, certaines réformes entreprises par l’Etat pourraient passer par le secteur privé, comme je l’ai énuméré plus haut. Et cela pour éviter d’alourdir la dette. En effet, les prêts prévus par la conférence de Paris III, bien qu’avantageux, restent tout de même des prêts.


Q-Le financement massif de la dette par les banques libanaises se répercuterait-il négativement sur leur expansion à l’étranger ainsi que sur le niveau de crédits qu’ils accorderaient aux entreprises?

Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’impact direct sur le crédit accordé aux entreprises par les banques libanaises, en raison de l’augmentation substantielle du niveau des dépôts l’année précédente, qui était de l’ordre de près de 20%, alors que les crédits au secteur privé ont connu une croissance de 14%. Il n’y a donc pas assez de projets privés, notamment en raison de certains obstacles administratifs. Les trois milliards de dollars d’investissements étrangers reçus par le Liban en 2009 se sont orientés pour la plupart vers le secteur immobilier qui n’est pas un secteur producteur d’emplois. Ces investissements sont aussi très inégaux à travers les régions libanaises. Cependant, il est certain que l’excédent dont jouissent les banques libanaises, en partie grâce à la confiance de nos clients libanais et étrangers, favorise notre expansion à l’étranger et la stabilité politique va encourager les investissements étrangers au Liban.

Q-Le divorce à l’amiable du duo Audi-Hermes est-il le reflet de la politique de la Banque centrale qui verrait ainsi d’un mauvais œil toute fusion entre les banques libanaises et des institutions étrangères?

Pas nécessairement. Il est vrai que dans le cas où une société étrangère tente d’imposer sa politique de crédit à une banque libanaise, la banque centrale se doit d’intervenir, afin de protéger les intérêts des épargnants libanais. Il se peut aussi qu’un désaccord sur la stratégie d’expansion à adopter ait entrainé cette décision.

Q-De moins en moins d’opérations de fusions-acquisitions ont lieu sur le marché local qui est dominé par de grandes banques parfaitement déployées sur l’intégralité du territoire. Quelle valeur ajoutée peuvent apporter de petites institutions aux banques Alpha?

Je crois que le scénario le plus probable résiderait dans une consolidation du secteur avec des opérations de fusion entre les petites banques, ce qui permettrait une facilitation des opérations de tutelle et une plus grande concentration du secteur. Le ralentissement des opérations de fusions peut, sans doute, être attribué à la structure même des banques libanaises, pour la plupart des banques familiales, dont les propriétaires craignent une dilution de leur pouvoir. Mais un jour, il n’y aura plus de succession possible ce qui favorisera les opérations de fusion. Il devient également de plus en plus coûteux de gérer une banque, notamment pour ce qui est de l’apport des nouvelles technologies et du capital humain ainsi que du risque de gouvernance, ce qui pourrait favoriser également la tendance. Pour les banques importantes, ce type de fusion avec de petites institutions représente peu d’intérêt.

Q-La banque Byblos a récemment annoncé l’ouverture d’une nouvelle succursale à Bagdad. Quelles opportunités représente le marché irakien, toujours très instable, pour les banques libanaises?

L’Irak représente un marché extrêmement prometteur, c’est une économie considérable de près de 30 millions d’habitants qui dispose des deuxièmes réserves de pétrole au monde. Une fois sa stabilité assurée, l’Irak offrira d’énormes opportunités aux banques étrangères étant donné que le secteur reste très fractionné et sous capitalisé. Nous collaborons depuis très longtemps avec l’Irak. Nous avons ouvert une branche à Irbil et une autre à Bagdad et nous prévoyons prochainement l’ouverture de deux autres succursales, l’une dans la ville de Najaf et l’autre à Bassora. Propos recueillis par M. A. pour Magazine du 12 Mars 2010.

Saturday, March 13, 2010

Les choix d’Israël: attaquer l’Iran, ou faire la paix avec la Syrie, selon Patrick Seale, spécialiste britannique du Moyen-Orient


De passage au Liban pour le lancement de son nouveau livre Riad el-Solh: la lutte pour l’indépendance, Patrick Seale, journaliste britannique et spécialiste du Moyen-Orient, a accordé une interview à Magazine consacrée à la situation politique au Liban et dans l’ensemble de la région.

Q-Quelle est votre analyse de la politique étrangère du président américain Barack Obama, surtout sur la question du Moyen-Orient? Pensez-vous qu’elle sera plus efficace que celle adoptée sous le mandat du président George Bush?
R-Je crois que tout le monde a été déçu par le président Barack Obama, porteur de grands espoirs au lendemain de son élection à la présidence américaine. Il a été certainement distrait par ses problèmes domestiques et l’obstruction systématique de ses initiatives politiques moyenne-orientales par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Ses premières décisions portant sur la région ont été de nommer George Mitchell (l’envoyé spécial pour le Proche-Orient) et de demander le gel de la colonisation israélienne des territoires occupés. Mais cette dernière initiative s’est avérée impossible. Pour ce qui est de la guerre contre le terrorisme, Obama a fini par adopter la même stratégie que son prédécesseur, en étendant le champ de la lutte. Il a également tendu la main à l’Iran, mais cette approche n’a pas été couronnée de succès. Pour sa défense, on peut dire qu’il n’en est toujours qu’à sa première année de mandat présidentiel. Il a donc toujours la possibilité de renverser la tendance, mais je crois cela peu probable, en raison de la forte contestation de l’establishment américain.

Q-Quels sont les puissances régionales qui ont su le mieux tirer profit de ce changement de la politique américaine?
R-Il faut admettre que deux puissances moyennes-orientales ont été particulièrement actives dernièrement: en premier lieu la Turquie, qui a lancé une grande offensive de paix tout en se rapprochant de la Syrie, du Liban, de l’Irak et de l’Iran. Elle a également rejeté toute action militaire contre ce dernier pays. C’est l’unique puissance militaire qui soit bien perçue en Afghanistan et c’est le pays qui a servi de médiateur pour les négociations entre Israël et la Syrie. La seconde puissance que l’on pourrait citer est le Qatar, qui a négocié les accords de Doha ainsi que ceux conclus entre le Soudan et le Tchad, concernant la région du Darfour.

Q-Pensez vous qu’une attaque israélienne contre l’Iran soit vraiment possible? La situation au Moyen-Orient est-elle aujourd’hui aussi dangereuse qu’on serait tenté de le croire?
R-La situation est en effet très volatile: les Israéliens tentent de provoquer une attaque contre l’Iran. Je crois qu’ils prévoiraient de mener une action contre l’Iran qui entraînerait une riposte de ce dernier visant les bases américaines dans le Golfe. La situation est donc très sérieuse, les pays du Golfe étant sur la ligne de feu. Les Israéliens ont aujourd’hui l’impression que leur hégémonie dans la région est en danger. Alors que, durant ces dernières soixante années, les pays arabes n’ont pu contenir la puissance d’Israël, la montée de certains acteurs non-étatiques, comme le Hamas et le Hezbollah d’une part, ainsi que de l’Iran, d’autre part, a permis de modifier la balance des forces au Moyen-Orient. Israël pourrait dont tenter de s’extraire de cette situation soit par une attaque contre l’Iran, ou bien en faisant la paix avec la Syrie.

Q-Quel est le danger d’une guerre entre Israël et le Liban?
R-Une guerre est toujours extrêmement difficile à prévoir. Celle de 2006 a démontré les limites de la défense d’Israël qui a toujours eu pour politique de mener la guerre en territoire ennemi, ce qui n’a pas été le cas lors du dernier conflit (le territoire israélien a en effet été bombardé par le Hezbollah, ndlr). Il se peut, cette fois, que la Syrie et l’Iran interviennent dans l’éventualité d’un nouveau conflit, car ils se trouveraient en danger. Toutefois, pour ces pays, le Hezbollah demeure la ligne de première défense. Netanyahu préfèrerait certainement garder le statu quo actuel, ce qui pourrait cependant s’avérer difficile pour lui. En effet, Israël se trouve sous pression depuis l’assassinat de Mahmoud Mabhouh (un haut responsable du Hamas, ndlr) à Dubaï et le scandaleux siège de Gaza, deux événements qui ont particulièrement terni son image. Les Israéliens sont aussi obsédés par l’Iran et par son programme nucléaire, que personne ne semble pouvoir arrêter. Ils tentent donc d’influencer la communauté internationale, mais inévitablement le Hezbollah fait partie de la défense iranienne.

Q-Dans quelle situation se trouve le Hezbollah aujourd’hui au Liban? Est-il le grand gagnant de la lutte de pouvoir ayant suivi l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri?
R-Le Hezbollah et ses alliés, notamment le Courant patriotique libre (CPL), sont une force dominante au Liban. Depuis que le Liban a réussi à atteindre une certaine stabilité politique, les autres factions ont dû apprendre à gérer cette nouvelle réalité. Il est néanmoins certain que l’idée selon laquelle le Liban pourrait être utilisé contre la Syrie a dû être abandonnée.

Q-Que pensez-vous des articles parus dans certains médias étrangers faisant état d’une possible expansion des activités du Hezbollah en Egypte et au Yémen? Croyez-vous que la lutte secrète opposant le Hezbollah à Israël ait remplacé, pour le moment du moins, l’éventualité d’une guerre conventionnelle?
R-Ces accusations sont peu crédibles: la lutte du Hezbollah contre Israël est avant tout nationale, c’est un mouvement qui est né de l’oppression subie par les habitants du Liban-Sud. Par ailleurs, il est scandaleux que l’Egypte se soit alignée sur Israël en bloquant les tunnels connectant Gaza à l’Egypte, un pays qui était le bastion du nationalisme arabe. La guerre souterraine a de tout temps été pratiquée par Israël qui, dans les années soixante-dix, avait recours au terrorisme étatique pour poursuivre ses ennemis.

Q-Quel est l’état des relations libano-syriennes, aujourd’hui, et comment le régime de Damas perçoit-il le Liban?
R-Les relations qu’entretiennent ces deux pays se sont certainement assainies récemment. La Syrie et le Liban sont deux pays indépendants, unis par des liens familiaux et des intérêts économiques communs. Le dicton ne dit-il pas après tout: un peuple, deux nations? Le divorce entre la Syrie et le Liban ne saurait donc avoir lieu et Damas ne peut, en aucun cas, tolérer un gouvernement hostile si près de sa capitale.

Q-On dit que la tutelle syrienne sur le Liban a été progressivement remplacée par une coalition syro-iranienne et arabe, depuis le retrait syrien…
R-En effet, la carte politique bouge constamment. Mais la relation entre la Syrie et l’Iran date de plus de trente ans, alors que les liens du Liban à la Syrie sont vieux de centaines d’années. Nous avons assisté à la montée de la communauté chiite qui a supporté le poids de l’occupation et constitue un élément important de la mosaïque libanaise. Mais le Liban a toujours été une sorte de mosaïque…

Q-Quel symbolisme attacher à la réunion de Damas entre le président iranien Mahmoud Ahmadinajad, le président syrien Bachar al-Assad et le chef du Hezbollah sayyed Hassan Nasrallah?
R-Le message est on ne peut plus clair: les participants à cette conférence ne peuvent être utilisés les uns contre les autres et la Syrie ne peut accepter un traité de paix séparé. Propos recueillis par Mona Alami( Magazine 12 Mars 2010)


Encadré
Patrick Seale est un journaliste de renommée internationale, spécialiste des questions du Moyen-Orient. Il a rédigé de nombreux ouvrages dont Assad de Syrie: La lutte pour le Moyen-Orient et une biographie d’Abou Nidal, un dissident du Fateh qui s’est rendu célèbre pour ses opérations terroristes. Né en Irlande, il a fait ses études au Collège Saint-Antoine d’Oxford. Il a par la suite travaillé pour l’agence de presse Reuters et le quotidien britannique The Observer.

Wednesday, March 10, 2010

« Les ennemis d’hier sont les alliés de demain »

La Montagne Druze est en effervescence : Walid Joumblat visite régulièrement les villages les plus reculés à l’occasion des enterrements des membres de sa communauté, chose inhabituelle pour le leader, qui par le passé, se cantonnait aux familles les plus illustres. On attribue ce soudain regain d’intérêt par la prise de conscience de Joumblatt d’un affaiblissement de sa popularité, en raison de l’abandon des principes indépendantistes, qu’il avait prônés depuis 2005. Lors de sa dernière visite à la région du Metn, il aurait conseillé à certaines grandes familles de voter pour son nouvel allié du Courant Patriotique Libre, le général Michel Aoun.
Publié dans Magazine le 5 Mars 2010

Friday, February 19, 2010

Contestation chez les Druzes


Un malaise de plus en plus palpable s’est installé dans la communauté druze depuis le désaveu par son chef, Walid Joumblat, du mouvement indépendantiste du 14 Mars, et son rapprochement avec le Hezbollah et la Syrie.

Le linge se lave en famille, mais, ce soir à Aley, une des plus grandes agglomérations druze du Liban, la communauté raconte son « humiliation ». Pour la première fois, les membres de cette petite communauté de près de 250,000 membres livrent leur déception face au volte face spectaculaire de leur leader Walid Joumblat. Ce dernier, règne en chef incontesté sur la montagne, depuis l’assassinat de son père Kamal en 1977, par les Syriens.

En 2005, à la suite de l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri le 14 Février, un crime largement imputé à la Syrie, Joumblat prend la tête du mouvement anti-Syrien du 14 Mars dans sa révolte contre le pouvoir de Damas. Un soulèvement pacifiste qui met fin, en Avril 2005, à une occupation vieille de 30 ans. Joumblat, alors sûr du soutien américano-européen multiplie les invectives à l’encontre des hommes forts de Damas et de leurs alliés libanais dont le Hezbollah.

« Nous étions plein de fierté de voir notre leader s’imposer dans ce combat viscéral contre la Syrie, préservant notre indépendance et pavant la voie à l’établissement d’un état fort », raconte Naji Alamé, un ancien combattant druze ayant participé à la guerre de 83 entre Druzes et Chrétiens.

Pour un membre de Parti Socialiste Progressiste- PSP- (dirigé par Joumblat), le mouvement du 14 Mars était une sorte d’assurance-vie protégeant la communauté et sa descendance, cette minorité ne pouvant survivre qu’à l’ombre d’un état séculier.

Ce 14 février 2010, près de cinq ans après le rassemblement monstre du 14 mars durant lequel 1,5 millions de personnes ont scandé « la Syrie dehors », le chef du PSP visite la tombe du premier ministre assassiné, Place des Martyrs, prenant rapidement congé, contrairement à son habitude, en laissant derrière lui, son fils et ses ministres Akram Chehayeb et Wael Abou Faour. « Nous n’avons pas été mobilisés pour participer à la manifestation contrairement aux années précédentes», signale un membre du PSP. Une voiture circulant à Aley avec des posters de Rafic Hariri aurait même été interceptée par la police municipale, proche du PSP.

Certains milieux druzes influents jugent la désaffection de Joumblat, prévisible. « Sa visite au tombeau de Hariri fut une formalité, faite uniquement pour rassurer Saad Hariri( l’actuel premier ministre libanais), qui serait un grand pourvoyeur de fonds pour les œuvres caritatives de la famille Joumblat soutenant les Cèdres du Chouf et le festival de Beiteddine», murmure-t-on.

« Joumblat n’a pas été le grand absent de la Place des Martyrs, il a tout simplement fait son devoir d’amitié envers Rafic Hariri et son fils Saad, sans plus », répond le député et ancien ministre Marwan Hamadé. Cela n’était une surprise pour personne, puisque les prémices de cette participation dans sa forme et ses limites étaient apparues progressivement depuis le 7 juin 2009, c'est-à-dire au soir des élections législatives», assure le député. Ce dernier reconnait que la mouvance du 14 Mars, qui s’était habituée à la présence active de Joumblat, a sans doute été déçue de ne pas l’entendre à la tribune. Joumblat aurait donc tourné la page du 14 Mars sans pour autant en renier les acquis, au nombre desquels figurent le tribunal spécial pour le Liban, l’instauration de relations diplomatiques avec la Syrie, la formation du cabinet d’union nationale ainsi que l’apaisement relatif du climat confessionnel.

« Ce bouleversement », ajoute Hamadé en commentant la position de Joumblat, «laisse évidemment des blessures dans les esprits et des perturbations dans les équilibres politiques. Mais il faut comprendre Joumblat : j’ai vécu avec lui la première épreuve de Mai- Juin 77- après l’assassinat de son père Kamal- lorsqu’il décidât, pour des raisons liées à la sécurité de la montagne et la survie de ce qui restait de la gauche libanaise, de prendre le chemin de Damas. Je le comprends sur le fond. Sur la forme, si je trouve à redire, c’est à lui que je m’adresserais », ajoute le député.

Tarek Radwan, un habitant de Aley s’indigne de la position délicate dans laquelle les Druzes se trouvent aujourd’hui. « Nous ne sommes plus des interlocuteurs crédibles aux yeux des autres communautés. Joumblat a commencé par s’attaquer aux chrétiens qu’il a qualifiés de « mauvaise graine ». Il se met maintenant à dos la communauté sunnite », s’insurge le jeune homme.

Sa femme, Suzanne, une inconditionnelle du leader druze, se demande cependant, où était passé son vote, en faisant référence à l’opposition affichée par le PSP contre le Hezbollah, accusé d’être un état dans l’état, lors des élections législatives de 2009.

« Le Hezbollah n’a même pas présenté des excuses pour les événements du 7 Mai. Nous avons perdu de nombreux jeunes lors des combats de Choueifat, alors que d’autres à l’instar de Bachir Chehayeh, Majd Zahalan et Rabih Mrad étaient kidnappés ici même à Aley », se souvient ce membre du PSP. Le 7 Mai le Hezbollah a tenté d’investir les régions druzes de Aley Choueifat et du Chouf, ainsi que la ville de Beyrouth, attaque ayant mené à des batailles entre les deux camps. D’autres tels M. Radwan ne comprennent pas la position jusqu’au-boutiste de Walid Joumblat. « La réconciliation était sans doute nécessaire, mais les concessions accordées par Joumblat au Hezbollah et à la Syrie n’ont pas été réciproques, il ne fallait pas pour autant se mettre à genoux », signale-t-il, en faisant allusion au retard dans le rendez-vous demandé par Joumblat en Syrie, étape qui permettrait de clore le chapitre de la réconciliation.

Certains comme Wael Hassan croient à un calcul de la part du leader Druze. « Joumblat a choisi de se tourner vers le centre, position tout à fait honorable. Il a choisi le chemin de la réconciliation en faisant il est vrai certaines concessions. Mais si elles ne sont pas accompagnées par des gestes conciliants de la part de l’autre bord, Joumblat reviendrait sans doute à ses positions antérieures », explique-t-il.

Certains milieux influents druzes ne se montrent pas aussi compréhensifs. Ils parlent d’un véritable sentiment d’humiliation qui porterait sur la forme même des nouvelles positions affichées, d’autres politiciens avant Joumblat ayant opéré des rajustements politiques douloureux sans aller aussi loin dans les concessions. « Les Druzes qui s’opposent à cette volte-face ne veulent pas d’un Walid Joumblat humilié, car son humiliation les affecte personnellement, en raison du fort sentiment clanique qui règne dans la communauté et de son identification au Zaim ou au Bey », estime-t-on.

Ce sentiment entraîne un manque de confiance dans la vision de leur chef, vision jugée infaillible, Joumblat étant souvent décrit par ses supporters comme possédant « des antennes lui permettant de percevoir l’avenir ».
« Alors qu’ils attribuaient auparavant ces retournements à la sensibilité à fleur de peau de Joumblat, ils se demandent aujourd’hui s’ils ne se s’étaient tout simplement pas trompés, c’est un vrai dilemme pour tout le monde », confie-t-on.

Le malaise des Druzes se ressentirait jusque dans les réunions du PSP, bastion de la famille Joumblat. « Les réunions ayant eu lieu la semaine passée à Aley, n’ont rassemblé que quelques dizaines de participants alors que plus d’une centaine y étaient conviés », dixit le membre du PSP.

M. Alamé estime que de nombreux Druzes ont décidé de quitter le navire piloté par Joumblat. « Nous ne sommes pas des moutons », s’indigne le membre du PSP qui ajoute que pour la première fois la communauté a violemment contesté les prises de positions de Joumblat.


« Walid Joumblat a lui-même reconnu l’existence d’un malaise mais la configuration politique et sociale de la communauté me porte à croire qu’elle préférera préserver son unité», précise toutefois M. Hamadé.

Hamadé a lui décidé de rester fidèle au Rassemblement Démocratique tout en restant attaché au 14 Mars et « à ce qu’il représente pour une majorité des libanais et surtout pour une jeunesse qui aime cette foule bigarrée et multiconfessionnelle ayant lancé la Révolution du Cèdre ». « Le Liban peut se targuer d’être le défenseur de nos causes nationales en tête desquelles figure la Palestine. Il faut cependant que le Liban survive pour assumer son rôle qui n’est pas seulement de servir de chair à canon à tous les systèmes dictatoriaux ou intégristes de la région.

Dans un pays où le sentiment communautaire est plus fort que tout, tout nouveau danger, réel ou imaginaire, pousserait les Druzes à se ranger derrière leur leader, à moins qu’une nouvelle mouvance, moins entachée par les jeux de la politique libanaise ne prenne la relève…En espérant l’avènement d’un nouveau chef qui réponde mieux aux attentes de la communauté…
Mona Alami, Magazine du 19 Février

Qui a voulu assassiner Mahmoud Mabhouh?

Magnus Ranstorp

20 Janvier: le corps de Mahmoud Mabhouh, un haut responsable du Hamas palestinien est retrouvé électrocuté dans une chambre d’hôtel à Dubaï. Qui était Mabhouh et quelles seront les répercussions régionales de son assassinat, un meurtre largement imputé à Israël? Magazine a interviewé, depuis Dubaï, le Dr Magnus Ranstorp, directeur au Collège National Suédois de la Recherche pour la Défense.

Quel était le rôle de Mabhouh au sein du Hamas?

Son élimination rappelle étrangement celle de Imad Moughnieh, le chef militaire du Hezbollah assassiné à Damas en 2008…

Mabhouh était un des cofondateurs du mouvement miliaire du Hamas. Connu pour son passé d’activiste contre les Israéliens, il aurait notamment été impliqué dans l’enlèvement et le meurtre de deux soldats israéliens Ilan Sa'adon and Avi Sasportas en 1989, ainsi que dans l’assassinat de certains Palestiniens, lors de la première Intifada. Il jouait un rôle prépondérant dans « l’axe Iran-Gaza » et était également responsable de l’acheminement des armes vers les territoires palestiniens. Personnage assez semblable à Moughnieh, il occupait un poste important au sein du Hamas depuis plus de vingt ans et jouait le rôle d'intermédiaire entre les Palestiniens, les services de renseignement Iraniens et les forces spéciales al Quds, (relevant des gardiens de la révolution islamique).

Quel genre de relations Mabhouh entretenait-il avec la Syrie?

Il appartenait à la deuxième garde du Hamas comme Moussa Abu Marzouk (vice député du politbureau du parti), Mohammad Nazzal (un dirigeant du Hamas), qui était également proche de Imad Alami, un autre commandant du Hamas qui fut expulsé de Gaza en 1991, avant la vague de déportation de 1992, pratiquée à l’encontre de 415 membres de ce même parti ainsi que du Jihad islamique palestinien. Sa mouvance, à l’instar des autres cadres du Hamas (en Syrie), est soumise au contrôle des services de renseignements syriens et assujettie aux services de renseignements iraniens.

Quelle était la nature des relations entre Mabhouh et le Hezbollah?

Il entretenait des relations directes avec le Hezbollah mais aussi par le biais de Oussama Hamdane (représentant du Hamas au Liban), qui était autrefois le représentant du Hamas en Iran.

L’assassinat de Mabhouh serait-il une preuve supplémentaire de la guerre secrète opposant Israël au Hezbollah et au Hamas? Entraînera-t-il une coopération accrue entre les deux partis islamiques?

La coopération entre le Hamas et le Hezbollah date des années 1992. Cette relation s’est consolidée au cours des ans et s’est affermie après l’assassinat de Cheikh Ahmad Yassine et de Abdel Aziz Rantissi (Rantissi était un haut dirigeant du Hamas qui fut assassiné par les Israéliens en 2004, un mois après le meurtre de Cheikh Yassine, chef spirituel du parti islamique). Le soutien apporté par le Hezbollah au Hamas serait surtout de nature technique notamment au niveau du perfectionnement des roquettes Qassam. La coopération entre le Hamas et l’Iran s’est accélérée durant ces dernières années: un membre du corps des gardes révolutionnaires iraniens a même été appréhendé à Gaza. Bien qu’initialement le Hamas ait éprouvé des réticences à devenir un outil aux mains de l’Iran (comme le Jihad Islamique avant lui), la donne a toutefois changé depuis la guerre de Gaza (en 2008).

Quelles raisons auraient motivé le voyage de Mabhouh à Dubaï? On a évoqué une possible rencontre avec des responsables iraniens…

Mabhouh avait la possibilité de se rendre directement en Iran depuis la Syrie. Il n’était donc pas dans l’obligation de visiter Dubaï à cette fin. Il a pu tomber dans un traquenard monté par les Israéliens ou les Palestiniens.

Quelle sera la réponse du Hamas à cet assassinat? La vengeance du parti mènera-t-elle à une opération conjointe avec le Hezbollah?

Le Hamas a menacé de viser les intérêts israéliens à l’étranger, ce qui serait un changement du Modus operandi du parti. Le parti islamique sera certainement sous pression pour répondre, comme à la suite des assassinats de Rantissi et de Yassine, mais tout dépend des résultats de l’enquête et des factions qui y seront impliquées. Le Hezbollah avait, lui, tenté d’enlever le chef d’état-major israélien (Gaby Ashkenazi en 2009, à la suite de l’assassinat de Moughnieh) et le Hamas répondra sans doute au meurtre de Mabhouh, en tentant une frappe chirurgicale visant des politiciens ou des officiels israéliens. Ce scénario semble être le plus probable. Dans ce cas le soutien du Hezbollah au Hamas serait de nature technique ou au niveau du ciblage. Publié dans Magazine le 12 Février.

Tuesday, February 16, 2010

Tripoli: La Guerre Oubliée

Deux bombes ont été découvertes la semaine passée dans le quartier de Jabal Mohsen à Tripoli. Avec la multiplication des incidents sécuritaires, la capitale du nord est sous les feux de la rampe depuis l’année 2005 et la question des armes revient sur les devants de la scène.

Tripoli fait régulièrement la une des journaux, que ce soit en raison de la guerre de Nahr el-Bared, d’attentats contre des bus transportant des militaires ou des civils, des conflits intercommunautaires entre alaouites et sunnites, ou de discordes claniques. «Avec l’incident de Deir Ammar, le mois passé, nous avons réellement l’impression que l’on tente de ternir l’image de la ville Tripoli», commente Cheikh Bilal Chaaban, chef du parti du Tawhid, proche du Hezbollah. Allusion à la fermeture de la route côtière par des habitants en colère qui protestaient contre les coupures d’électricité.
Selon cheikh Chaaban, le problème majeur auquel la ville se trouve confrontée aujourd’hui peut être attribué à la tension qui prévaut depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005, un crime imputé au régime syrien, ce qui a ravivé par des souvenirs douloureux entre sunnites et alaouites à Tripoli.

La réconciliation entre les diverses factions tripolitaines, initiée en septembre 2008 par l’actuel Premier ministre Saad Hariri et son prédécesseur Fouad Siniora, n’aurait pas engagée les grandes familles ennemies, notamment les Badawi, Kawas, Mrad et Shamra. «Ce rapprochement devrait se poursuivre, surtout depuis la réconciliation entre le Liban et la Syrie, qui s’est cristallisée par la visite du Premier ministre libanais à Damas», met en exergue cheikh Chaban.
Une opinion que partage en partie l’ancien député de Tripoli Mosbah al-Ahdab. «Le processus de réconciliation entamé l’année passée est resté incomplet puisque les armes n’ont pas été ôtées des mains des différentes factions. Le contrôle des armes devrait être uniquement l’apanage de l’Etat», ajoute le député.
A quelques kilomètres du quartier d’Abi Samra, bastion du salafisme au Liban, se dresse Jabal Mohsen, secteur attitré de la communauté alaouite. En cet après-midi, les habitants du quartier s’activent, circulant dans les rues, ou faisant quelques emplettes dans les magasins. Selon Ali, propriétaire d’une petite menuiserie, la situation sécuritaire s’est nettement améliorée depuis l’attaque aux grenades energa sur un café du coin, il y a près de deux mois. «Les habitants de Jabal Mohsen et du secteur attenant de Bab el-Tebbané (à majorité sunnite) se déplacent facilement entre les deux quartiers depuis quelques semaines», raconte Hamid, le propriétaire d’une épicerie.
Un peu plus loin, à proximité de la bifurcation menant au quartier sunnite de Qobbé, des hommes vêtus de couleurs sombres sont postés aux intersections, semblant surveiller les allées et venues des habitants.
A l’entrée de Qobbé, véritable ligne de démarcation, des immeubles calcinés, criblés de balles, témoignent de la violence des combats ayant eu lieu en 2008 entre les communautés alaouites et sunnites. Ahmad Abboud est le propriétaire d’une pharmacie, récemment rachetée à un alaouite. «Il a décidé de quitter le quartier en raison de l’instabilité qui y règne en permanence», explique-t-il. Selon le jeune pharmacien, seuls les résidents sunnites seraient restés dans ce secteur autrefois mixte, à l’exception de quelques rares familles alaouites.
«Bien que la situation se soit calmée, des conflits éclatent souvent entre des familles des deux bords, se terminant généralement en rixes ou en pare-brises fracassés. Certains en arrivent parfois à dégainer leurs armes sans toutefois tirer», déclare Khaled el-Ali, un ami de Abboud. En possession d’armes, el-Ali insiste cependant sur le fait qu’il ne s’en déferrera pas tant que les partisans de Ali Eid, l’ancien député alaouite «s’accrocheront aux leurs».
Selon une source au sein de l’armée ayant préféré conserver l’anonymat, les deux factions sunnites et alaouites disposeraient d’armes, distribuées à la rue sunnite à la suite de tiraillements entre les habitants de Bab el-Tebbané et de Jabal Mohsen, alors que les alaouites en auraient reçu de l’Armée syrienne avant son retrait du Liban. «Afin de contrôler leur partisans, les chefs des diverses factions ont interrompu le ravitaillement en munitions aux chefs de milices responsables de chaque quartier, ce qui a contribué à réduire la fréquence des conflits, sans que les armes ne soient confisquées», commente la source. Cette dernière ajoute également que le Hezbollah aurait retiré les armes des mains de certains habitants, en les rachetant au prix fort, afin de minimiser les incidents entre familles ou chefs de clans.
Une autre source, cette fois politique, a toutefois ajouté que certains chefs de milice de quartiers auraient changé de veste, abandonnant ainsi le mouvement du Futur au profit du Hezbollah. «Le Hezbollah tente de former une alliance militaire en s’associant à des chefs de quartiers jouissant d’un certain pouvoir», commente la source en citant le nom de certaines familles comme les Hussami, les Allouti et les Assouad.
Dans le secteur de Qobbé, des miliciens en tenue de combat, se détendent en jouant aux cartes. «Ce quartier est une ligne de démarcation, mon grand-père ainsi que mon cousin ont été tués par les alaouites en 1983», raconte Abou Chebab, un milicien portant la barbe typique des salafistes. Son compagnon Abou Chahid, lui, estime que toute discorde entre le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et le Premier ministre Saad Hariri ferait des victimes dans la région qui se trouverait de par son histoire, naturellement impliqué dans le conflit.
«Depuis le retour au calme, le prix de la kalachnikof a certainement baissé. Notre quartier est cependant, en moyenne tous les quatre ans, déchiré par les luttes armées, ce qui laisse présager un renouvellement des hostilités dans les deux prochaines années», ajoute Abou Chebab tout en haussant les épaules, d’un air blasé. Publié dans Magazine le 5 Février.

Sunday, January 31, 2010

Tensions à Aïn el-Héloué : dissensions au sein du Fatah et infiltration d’al-Qaïda ?


Infiltration d’al-Qaïda, dissensions au sein de la rue palestinienne, le camp de réfugiés de Aïn el-Héloué, au Liban-Sud, semble cristalliser tous les dangers guettant le Moyen-Orient.

Des coups de feu secouent le camp de Aïn el-Héloué. Dans les rues étroites où quelque 70000 personnes survivent difficilement, confrontés quotidiennement à la violence et la pauvreté, les réfugiés palestiniens vaquent à leurs occupations comme si de rien était.
Un adolescent explique à un chauffeur de taxi libanais qui semble affolé par l’accrochage. «Cela se passe assez loin d’ici», signale-t-il, en indiquant une bifurcation à droite menant au siège du Fatah, à quelques dizaines de mètres de là. Le chauffeur de taxi rétorque par un mouvement de la tête fataliste. «On s’en remet à Dieu», dit-il tout en poursuivant son chemin.
Au-delà du barrage de l’armée chargé de filtrer les voitures et des véhicules se frayant un passage au ralenti sur les chemins de terre, la cacophonie des fusils reprend de plus belle. «La dispute a débuté entre deux jeunes lors d’un jeu de flipper», explique Mounir Maqdah, responsable des milices du Fatah dans le camp. Hajj Maher Oueid, chef du courant islamique d’Ansar Allah, tout en minimisant la portée de l’accrochage, précise que ce dernier a opposé un militant du Fatah et des Ahbach, une mouvance islamique.

Pas d’étrangers dans le camp
A l’intérieur de Aïn el-Héloué, dans le vieux souk, des commerçants, désœuvrés, assis devant leurs étals commentent l’incident par un haussement d’épaules. «La situation s’est calmée dernièrement, il est vrai que quelques incidents ont lieu ça et là, résultant généralement des conditions de vie difficile mais ils ont été exagérés par les médias libanais», insiste Jawad, propriétaire d’un magasin de meubles. «Contrairement aux rumeurs colportées par les médias, nous n’avons pas observé un afflux d’étrangers dans le camp», ajoute-t-il. Son voisin Mohamad Barhoum nie avoir observé une recrudescence dans l’activité des courants islamistes.
Les témoignages des deux hommes font référence aux déclarations du responsable du Fatah au Liban, le général Sultan Aboul Aynayn. Dans une entrevue à la presse, il a déclaré que des parties étrangères cherchaient à attiser les tensions dans les camps de refugiés et y introduire des extrémistes, notamment en provenance de l’Irak. Aboul Aynayn a indiqué que des mesures avaient été prises pour empêcher le réseau al-Qaïda d’accéder aux camps palestiniens. Le responsable a averti qu’il n’allait pas permettre une réédition du conflit de Nahr el-Bared à Aïn el-Héloué. «Nos camps ne serviront plus de base pour régler les comptes de n’importe quel pays ayant intérêt à maintenir le Liban en état de crise et en faire une source des troubles au Moyen-Orient», a-t-il ajouté.

Jund al-Cham ressuscité
Des accrochages armés ont éclaté également la même semaine entre des militants du Fatah et des islamistes, appartenant au groupuscule Jund al-Cham durant lesquels divers types d’armes ont été utilisés. «Un membre de Jund al-Cham a pris pour cible une position du Fatah et nos militants, il est vrai, ont eu une réaction disproportionnée à l’attaque, nous avons cependant pris des mesures fermes contre les protagonistes des deux bords», affirme Maqdah. Le responsable palestinien a également assuré que le groupuscule de Jund al-Cham n’a plus d’existence à Aïn el-Héloué, la plupart de ses membres ayant quitté le camp pour des pays occidentaux.
Différentes factions se partagent le territoire de Aïn el-Héloué. Néanmoins, alors que par le passé la présence dans les artères du camp de miliciens de tous bords, l’arme au poing, était monnaie courante, elle se concentre apparemment aujourd’hui autour des positions du Fatah, aux grandes intersections. Les jeunes militants de Jund el-Cham, armes à la ceinture, reconnaissables à leurs jeans ou treillis et chemises noires, parfois agrémentées d’une photo de Abou Horeira (un des «martyrs» de Fateh al-Islam) ont disparu. Des hommes en djellaba saoudienne ou revêtus du Selwar et Kamiz, l’habit traditionnel pakistanais, sans armes, circulent dans les environs des mosquées de Safsaf et de Tawarik, abritant respectivement les sièges des mouvances de Osbat el-Ansar et de la Haraka Islamiya Mujahida.
Une source au sein du camp affirme toutefois que des éléments armés se sont manifestés dans les rues du camp, lors des dernières nuits de l’année, information confirmée par un officier de l’armée qui s’est exprimé sous condition d’anonymat. «Des hommes masqués ont érigé des barrages la veille de Noël», a confirmé la source. Cette dernière a ajouté que de nombreux individus, mis à part Mounir Mezian dont l’arrestation a largement été couverte par les médias, avaient été appréhendés dans le cadre du démantèlement d’un réseau terroriste. Ce membre de Fatah al-Islam est accusé d’avoir participé au financement et au ravitaillement en armes de la mouvance islamiste.
Pour certaines factions palestiniennes, ce n’est cependant pas le danger émanant d’al-Qaïda qui est le plus pressant, mais celui né de la discorde entre Abbas Zaki et Sultan Aboul Aynayn. La dissension aurait notamment entraîné la liquidation de nombreux membres de Jund el-Cham, l’attentat contre la mosquée de Cheikh Jammal Khattab et…l’assassinat de Kamal Medhat. Ce dernier, adjoint au représentant de l’OLP au Liban, a été tué avec deux autres Palestiniens par l’explosion d’une bombe de 20 kilos placée à la sortie du camp palestinien de Miyé-Miyé. Selon une source politique palestinienne, la commission d’enquête aurait exigé l’audition de trois membres de la sécurité de Sultan Aboul Aynayn, mais en vain, ces derniers n’ayant toujours pas comparu. La source aurait même nommé le chef de la sécurité d’Aboul Aynayn dans l’attentat contre Medhat.
Le général Mounir Maqdah, également chef de la Lutte armée à Aïn el-Héloué, insiste sur le fait qu’aucun étranger ne peut être résident dans le camp sans qu’il en soit immédiatement informé. Quoi qu’il en soit, les déchirements que connaît la rue palestinienne ne laissent rien présager de bon pour l’avenir de Aïn el-Héloué et des autres camps.



Encadré

TITRE-Les groupes islamistes

- Osbat el-Ansar et Ahbash
Ce groupe fondamentaliste palestinien qui se rattache à la mouvance salafiste, aurait été fondé par Hisham Chreidi dans les années 80. Abou Mohjin, de son vrai nom Ahmad el-Saadi, en aurait repris le commandement par la suite, avant d’être condamné par contumace pour l’assassinat de cheikh Nizar el-Halabi, chef du mouvement Ahbash, autre groupe islamiste. Depuis la disparition d’Abou Mohjin, son frère Abou Tarek aurait pris les rênes du parti. En 1999, des miliciens d’Osbat el-Ansar auraient abattu quatre juges, en pleine ville de Saida, à ce jour ils n’ont toujours pas été arrêtés.

- El Haraka el-Islamiya

Ce mouvement salafiste a été fondé par cheikh Jamal Khatab, imam de la mosquée el-Nour dans le fief islamiste Tawarik, situé en plein cœur de Aïn el-Heloué. Cheikh Jamal adhèrerait à l’interprétation d’un islam pur comme au temps du prophète.
Mona Alami, paru dans Magazine le 22/01/10

Thursday, January 14, 2010

Sur le prochain champ de bataille


Dans les bunkers de la Résistance

Depuis le déploiement des forces de la Finul au sud du fleuve du Litani après la guerre de 2006 avec Israël, le Hezbollah, à l’instar des fedayin palestiniens avant lui, a recentré ses efforts sur les rives nord du Litani, dans la région de Jabal Safi qui rattache le Sud- Liban à la grande plaine de la Bekaa. Visite inédite dans des bunkers de la Résistance.

Une carrière abandonnée émerge de l’étroite vallée, protégeant des regards une plaine verdoyante, appelée familièrement par les habitants du village limitrophe de Arab Salim «el-sahel el-akhdar». A l’entrée de la carrière, une tasse de thé est posée sur la table en plastique, abandonnée sans doute par un gardien qui se fait invisible.
Une rivière desséchée traverse le petit ravin qui git en contrebas de la carrière. Une vielle habitation en pierre jaune se dessine entre les buissons touffus; elle abrite un ancien moulin relié au lit de la rivière par une conduite en pierre vétuste. C’est dans cette vallée au paysage presque idyllique, si ce n’était pour les restes de pancartes déchiquetées indiquant la présence de mines, que certaines rumeurs font état d’un possible établissement du Hezbollah dans les anciennes positions de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP).
Partout le silence règne en maître absolu, rompu de temps à autres par un ronronnement continu provenant du ciel, où les drones israéliens s’activent en permanence, photographiant cette région d’une importance névralgique pour Tel-Aviv. Des cadavres d’animaux gisent à terre, déchiquetés, peut-être par l’explosion de mines. Dans l’habitation abandonnée, un drapeau palestinien a été peint sur les murs jaunis, ses couleurs délavées par le temps attestant du passage de l’OLP dans la région, mais nulle trace du Hezbollah.
«C’est plus haut, plus au nord du Wadi (étroite vallée) que les Palestiniens avaient construit leurs bunkers dans la montagne», indique Kassem Nazr, un fermier de Arab Salim qui cultive des terrains dans le secteur tout en pointant la main en direction d’un ravin qui se prolonge à la droite de la carrière.

Inter-La montagne creusée
Le fermier indique l’entrée d’un bunker creusé par les fedayin de l’OLP, ces soldats palestiniens à qui l’accord du Caire avait accordé le droit de combattre Israël depuis le sol libanais, jusqu’à l’invasion israélienne en 1982.
«C’est d’ici que les Palestiniens combattaient Israël, dans les années soixante-dix», s’exclame Kassem Nazr. Dans l’étroite vallée, quatre bunkers semblent transpercer horizontalement la montagne. «Ils avaient entre 10 et 15 mètres de profondeur et étaient équipés de lits et alimentés en eau courante», raconte Nazr. «Les fedayin trouaient la roche en y plaçant des bâtons de dynamite, afin de creuser la montagne», se souvient-il. Au dessus d’une large grotte artificielle, dont l’entrée est à quelques mètres de profondeur bloquée par un éboulis, de petits trous sombres ponctuent la roche blanche.
«Les soldats israéliens ont détruit la plupart de ces bunkers lors des invasions successives du Liban afin d’éviter leur éventuelle utilisation par la Résistance», insiste M. Nazr. L’une après l’autre, les entrées menant aux tunnels ont été soigneusement dynamitées, à l’exception d’une seule grotte qui semble avoir échappé au regard des soldats israéliens. Son ouverture béante, masquée par d’énormes buissons, laisse son usage par le Hezbollah peu probable.
C’est plus haut dans le Mont Safi aux environs du Mont Soujoud, du prophète du même nom, que le Hezbollah a décidé de se retrancher après le déploiement de la Finul aux frontières avec Israël, à la fin de la guerre de juillet.
Des chabab, les militants du Hezbollah revêtus d’habits sombres, la barbe bien taillée, sillonnent les villages en motocyclette, en surveillant les déplacements d’étrangers à la région. Des routes nouvellement asphaltées serpentent la montagne, traçant des zigzags ne menant semblerait-il nul part, se terminant parfois dans des bois sombres…
C’est sur ce terrain abrupt que se dessine le nouveau front de la guerre avec Israël. «Le terrain est plus rude au nord du fleuve du Litani, entre les villages de Nabatié et de Jezzine en remontant jusqu’au village de Niha, ce qui avantage le Hezbollah d’un point de vue militaire. En effet ce secteur peut être difficilement atteint par avion ou par tank», explique le professeur et ancien général Amine Hoteit, spécialiste en stratégie militaire.

Une armée invisible
Toute guerre, estime le professeur, dépend de plusieurs éléments tels que la capacité des protagonistes, la durée du conflit et la topographie du terrain. Et dans cette région, la topographie imposerait de nombreuses contraintes aux troupes israéliennes, dans l’éventualité d’un conflit, forçant ainsi les soldats à se déplacer par voie de terre ou par hélicoptère, les rendant ainsi plus vulnérables aux attaques des combattants du Hezbollah, qui eux, ont une connaissance profonde des étroits Wadis. De plus, la dépendance de l’armée israélienne aux hélicoptères, conjuguée à la capacité accrue du Hezbollah qui se serait équipé en missiles sol-air, donnent libre cours à tous les scénarios.
En prévision d’une nouvelle guerre, les combattants du Hezbollah ont creusé de profonds tunnels, tout comme les Palestiniens avant eux, leur permettant de se fondre dans la nature telle une armée invisible.
Mais c’est une fois de plus sur ce terrain situé au nord du Litani qu’Israël va sans doute s’embourber dans le cas où ses troupes seraient forcées à pratiquer une offensive terrestre, insiste le professeur. «Le nord du Litani présente un autre avantage aux yeux du Hezbollah, puisqu’il lui assure, en raison de sa proximité de la capitale et de la Bekaa, un ravitaillement plus facile», explique-t-il.
L’analyste Amal Saad Ghorayeb, elle, ne croit pas qu’une éventuelle guerre se limitera au secteur nord du Litani. «Croyez-vous vraiment que la guerre puisse avoir lieu uniquement dans cette région? A mon avis, ce sera une guerre plus globale durant laquelle la Finul se retirera de ses positions actuelles», soutient-elle.
Contrairement aux autres guerres entre le Liban et Israël, le prochain conflit «sera une guerre éclair d’une violence extrême», analyse le professeur Hoteit. Le spécialiste explique qu’Israël choisira sans doute une approche rapide au conflit afin de court-circuiter la levée de boucliers de la communauté internationale que susciterait une telle guerre aux conséquences humaines désastreuses. «La doctrine de Dahié, qui serait sans doute adoptée par les Israéliens, laisse également envisager un conflit court et particulièrement violent», ajoute-t-il. Saad Ghorayeb croit en une coordination entre le Hamas et le Hezbollah, lors d’une éventuelle guerre, une thèse également soutenue par le professeur Hoteit. «L’ouverture de deux fronts affaiblirait certainement Israël», commente-t-il. «De plus Hezbollah a promis une infiltration d’Israël par les membres du Hezbollah, dans son récent discours», ajoute Saad Ghorayeb. Mona Alami pour Magazine